April 1, 2023

Accouchez de nouveaux protocols pour les employées enceintes

Depuis janvier dernier, les employeurs au Québec doivent mieux encadrer les femmes enceintes dans leur milieu de travail. Jusqu’en 2022, l’émission d’un certificat de réaffectation ou de retrait préventif était laissée à la discrétion d’une autorité médicale (médecin ou infirmière praticienne spécialisée). Or, le législateur exige maintenant des médecins qu’ils se réfèrent maintenant à un protocole (préparé par la Direction Nationale de Santé Publique) détaillant les facteurs de risques liés au travail de la salariée et pouvant nécessiter une réaffectation ou un retrait complet avant l’accouchement.

Gisèle, 41 ans, est employée dans un restaurant. Son travail lui demande de passer plusieurs heures debout, de lever occasionnellement de lourdes boîtes et de s’exposer aux virus véhiculés par la clientèle. Vu son âge, sa grossesse est plus à risque, mais son employeur estime qu’elle peut continuer à travailler en allégeant ses tâches. Autrefois, la décision revenait essentiellement au médecin, en fonction des conditions de travail rapportée par la patiente. Plus aujourd’hui.

Objectivation des normes

« Dorénavant, l’employeur devra connaitre et élaborer un plan établissant les risques afférents à chaque tâche au sein de son entreprise », explique l’avocate Dani Ann Robichaud. « Le gouvernement du Québec souhaite uniformiser les critères d’admissibilité en fonction du contexte médico-environnemental, et donner naissance à un cadre plus objectif. »

Ainsi, il va de soi que les critères varieront d’un milieu à l’autre. La femme enceinte qui travaille avec des produits chimiques en usine s’expose à un type de danger différent de celui d’une infirmière en milieu hospitalier ou d’une secrétaire de bureau. « Les nouveaux critères n’empêcheront pas un employeur d’entreprendre une démarche volontaire de retrait plus rapidement, si c’est ce qu’il désire », indique l’avocate. « La plupart des grandes entreprises ont déjà balisé les mesures à appliquer, mais ce n’est pas toujours le cas dans les moyennes et petites entreprises. »

Qui décide?

C’est le Directeur de la Santé publique (DSNP) qui établira les grandes lignes des protocoles pour chaque domaine; toutefois, les employeurs auront des devoirs à faire: « Chaque entreprise doit évaluer les dangers de l’environnement de travail, peu importe qu’une femme enceinte soit à son emploi ou non », souligne Me Robichaud. « Au moment de la grossesse, le médecin, après consultation avec le DSNP, disposera d’un portrait précis de l’environnement de travail pour demander la réaffectation ou le retrait de la patiente. »

Mais qu’est-ce qui se passe si l’employée visée passe de son emploi à 40$ l’heure, à un autre payé 20$ l’heure? « Un programme de subvention permettra à l’employeur de combler l’écart salarial entre les deux postes. La salariée n’aura pas d’impact pécunier en raison de sa réaffectation. Si un retrait préventif s’impose, l’employeur en assumera entièrement le coût pour les cinq premiers jours; les 14 jours suivants seront pris en charge à 90% par l’employeur qui pourra obtenir un remboursement, s’il en fait la demande à l’État. Après cette période la CNESST prend la relève de l’employeur », dit la juriste.

Le rapport du médecin est remis à l’employée et l’employeur; ce dernier peut en appeler de la décision s’il estime qu’elle est erronée.

Les exclusions

En imposant la réforme de sa politique sur la réaffectation et le retrait préventif des femmes enceintes, le gouvernement du Québec a tout de même reconnu que l’uniformisation des critères d’admissibilité n’avait pas pour effet de permettre l’inclusion de catégories d’employées n’y ayant pas droit. Parmi celles-ci, notons les travailleuses autonomes, les résidentes du Québec qui travaillent hors Québec, les employeurs établis hors de la province ainsi que les emplois relevant du secteur fédéral. Sont aussi exclues les participantes aux programmes des gouvernements canadien et québécois qui ne sont pas considérées comme des travailleuses au sens de la Loi (contrat de travail ou d’études).

La Boîte-conseil

Il est souhaitable que l’analyse du degré de dangerosité de l’environnement de travail soit claire et disponible pour le Directeur de la Santé publique. Votre avocat(e) peut vous accompagner dans l’identification des risques physiques, en travaillant de concert avec la personne responsable de la santé et de la sécurité pour l’élaboration et l’application d’un protocole adéquat. Il/Elle pourra se rendre sur les lieux de travail pour l’évaluation des secteurs à risques. Tout comme un exercice d’incendie, il convient d’évaluer régulièrement ses différents protocoles de travail pour les mettre à jour et ne pas attendre d’être face à une situation de crise pour y penser. Un canal de communication clair entre l’avocat et l’employeur est le meilleur gage de sécurité que vous puissiez vous offrir, ainsi qu’à vos employés.

AVERTISSEMENT: L’information contenue dans cet article, bien qu’elle soit de nature légale, ne constitue pas un avis juridique. il est suggéré de consulter un professionnel pour des conseils qui sauront répondre à votre situation particulièr.